Bénin : Edmée Say Guidi parle du travail des enfants et invite le gouvernement à sévir (Lire l’intégralité de l’interview)

A l’occasion de la célébration de la journée de l’enfant africain, la rédaction de votre web journal s’est intéressée au phénomène du travail des enfants qui sévit toujours malgré les nombreuses sensibilisations faites à l’endroit de la communauté. Edmée Say Guidi, directrice de l’ONG Foyer Oasis de Tokpota à Porto-Novo parle des éventuelles causes qui pourraient être à l’origine de cette situation et d’autres solutions coercitives à prendre par le pouvoir central pour éradiquer ce mal de la société.

Lire l’intégralité de l’interview.

Edmée Say Guidi, directrice de l’ONG foyer Oasis

Bonsoir Madame, merci de vous présenter à nos lecteurs

Je m’appelle Edmée Say Guidi, Directrice du foyer Oasis de Tokpota à Porto-Novo

C’est la journée de l’enfant africain ce 16 juin 2021, vous faites partie de ces ONG qui s’occupent entre autres des enfants. Nous allons beaucoup plus parler avec vous du travail des enfants au Bénin. Dites-nous d’abord ce que représente pour vous un enfant et surtout un enfant africain

L’enfant selon la définition du dictionnaire est celui-là dont l’âge est compris entre 0 et 18 ans. Et jusqu’à l’âge de 18 ans, il est considéré comme mineur. L’enfant pour ses progéniteurs en Afrique est une source de richesse. Et comme on a l’habitude de le dire, un enfant qui naît dans une famille est une source de joie. Donc l’enfant en Afrique entre dans le patrimoine de ses parents.

Nous sommes à 24h du 16 juin, et quand on pense aux enfants, on pense également à leurs protections, mais aussi à ce phénomène lié au travail des enfants. Quel est le constat que vous faites par rapport à la lutte contre ce phénomène au Bénin ?

L’enfant en Afrique, comme je le disais, entre dans le patrimoine familial. Et ils constituent quelque chose qui apporte une contribution à l’éclosion des familles en Afrique. Mais dans le même sens, il n’est pas très bien pris en compte comme on le demande en droit. Parce que c’est un être humain et un être humain dans la dénomination des choses, c’est un sujet de droit à part entière et il doit jouir normalement de ses droits et devoirs, mais il doit être considéré surtout comme une personne. Mais hélas, nous constatons qu’il est plutôt considéré comme un objet et on peut faire de lui ce qu’on veut. On oublie même qu’il y a des droits. Alors, ils sont assujettis à certains travaux qu’on leur fait subir, et ça rentre dans le cas des déviances. Dans le cas du travail des enfants, nous avons encore des milliers d’ enfants sur le terrain qui travaillent comme des adultes. Or, notre Etat a signé des traités, des conventions qui les protègent. Il y a des conventions au niveau du BIT qui demandent à ce que les enfants aient un âge avant d’aller à l’apprentissage. Mais les parents ne sont pas informés et ils laissent l’enfant très tôt à l’apprentissage chez les maîtres artisans. Il y a des travaux auxquels les enfants ne doivent pas aller à un certain âge tel que la soudure. C’est des choses qui peuvent porter préjudice à l’enfant. Donc le problème est là et nous constatons, nous interpellons les décideurs à ce niveau. Les textes sont pris mais ne sont pas entièrement respectés à ce niveau.

Est-ce un échec de la part du gouvernement ou les ONG ne sont pas à la hauteur des tâches qu’elles se sont confiées ?

Les ONG sont là pour accompagner le gouvernement. Et c’est des structures qui travaillent en fonction de leurs moyens. La sensibilisation revient aux ONGs, mais la vulgarisation revient à l’Etat. Donc c’est l’Etat qui doit pouvoir assez vulgariser les textes. Ce n’est pas qu’ils ne font pas. Ils le font mais pas assez et nous les ONGs, nous sommes là pour pouvoir rebondir là-dessus pour pouvoir approfondir ça davantage. Le défaut c’est qu’il manque les moyens. Quand nous parlons des moyens, c’est des ressources financières, des ressources matérielles et des ressources humaines.  Aussi, le mal persiste toujours parce que les faits, les habitudes, les us et coutumes ne sont pas des choses qu’on arrive à rayer du jour au lendemain. Nos communautés ont pris l’habitude de prendre leurs enfants et d’aller les déposer là où ils veulent, pensant qu’ils leur font du bien. Du fait qu’ils ne sont pas à côté de ces enfants, ils ne se rendent pas compte qu’il y a eu des travers aujourd’hui. Et compte tenu de la recherche du gain quotidien, les personnes à qui ils remettent ces enfants pensent que ces enfants sont là pour être assujettis à des travaux forcés ou des travaux domestiques et maltraitants. Alors, les enfants subissent. Et comme ils subissent, et eux-mêmes on ne les a pas éduqués dans un contexte ou environnement social qui leur permet de savoir qu’ils ont des droits, ils n’arrivent pas à s’exprimer. Il faut chaque fois en parler pour que les gens aillent à un changement de comportement. C’est ça qui n’est pas aussi facile mais nous sommes en train. On ne va pas dire qu’aujourd’hui nous faisons des approches de copie coller mais aujourd’hui, un enfant qui est maltraité et qui va à l’école est capable de dénoncer. Parce qu’on vous donne l’occasion de vous exprimer.

Malgré vos moyens, qu’est-ce que vous faites concrètement pour apporter un plus à la lutte contre le travail des enfants au niveau du foyer OASIS surtout ?

Au niveau du foyer OASIS, nous sensibilisons énormément les enfants et les parents sur les textes qui les protègent. Parce qu’ aujourd’hui, nous avons le nouveau code de l’enfant qui est promulgué depuis décembre 2015 que nous essayons de diffuser énormément parce que ce nouveau code apporte beaucoup de précisions et va vraiment à l’endroit de la protection des enfants. Donc nous en parlons et à travers notre participation au niveau de certains réseaux tel que le forum des organisations des défenses et des droits de l’enfant au Bénin, le Fodeb, appuyé par plan Bénin international. Nous travaillons pour pouvoir faire le suivi des recommandations de ces droits des enfants. Egalement, nous approfondissons des plaidoyers au niveau des décideurs afin qu’ils puissent comprendre que quelque chose ne va pas. Nous essayons d’éveiller les consciences pour que les gens puissent respecter les droits, parce que les droits sont toujours assujettis à des sanctions.

Quand nous comptons 05 ans en arrière et comparons ce temps à celui d’aujourd’hui, est- ce qu’on peut dire qu’il y a amélioration dans la lutte contre le traitement des enfants ?

Nous pouvons dire qu’au niveau du respect des droits et des textes, pris à l’endroit des enfants au niveau du Bénin, il y a amélioration de la part du gouvernement qui est très préoccupé par la protection et l’intérêt supérieur de l’enfant. Beaucoup de choses avancent également. Même des rapports périodiques avancent au niveau des sections ou des comités qui siègent au niveau des Nations Unis ou au niveau de l’Union Africaine au sujet des enfants. Mais dans nos communautés, nous sommes toujours un peu déçus. Les choses ne prennent pas comme cela se doit. Donc comme le dirait l’autre, stop à la sensibilisation et en avant la répression.

Quel est ce message que vous avez à lancer au gouvernement, à vos collègues et pourquoi pas aux parents en ce jour où nous célébrons la journée de l’enfant africain ?

D’abord au gouvernement, il va falloir que nos gouvernants prennent les taureaux par les cornes, et que les autorités en charge des sanctions puissent vraiment passer à la répression et appliquer les sanctions comme cela se doit, lorsqu’une personne adulte porte atteinte aux droits des enfants. A l’endroit de nos collègues nous n’allons pas baisser les bras. Nous sommes un certain nombre de réseaux qui travaillent   pour la cause des enfants. Nous devons nous accrocher pour en faire un leitmotiv et toujours tirer la sonnette d’alarme pour que quelque part, les gens savent que quelque chose va mal. Aux communautés, il faudrait qu’ils s’abreuvent assez des décisions prises par le gouvernement parce que ces communautés ne pourront que subir. Les gens feignent de ne pas connaître les lois. Il a fallu la dernière fois qu’on touche à leur point sensible et tout le monde s’est alarmé ; tout le monde a su qu’il y avait un texte qui voulait être appliqué. Et pourtant il y avait d’autres textes précédemment qui étaient pris et il y avait d’autres qui suivait dans le même code de l’enfant et dans le même code de la famille mais dont on s’en foutait. Il a fallu qu’on les titille un peu pour qu’ils puissent tous s’alarmer dans le pays.

Vous parlez de quel texte exactement ?

Le texte qui amène à reconnaître la paternité des enfants à partir de trois mois de grossesse. C’est juste un article qui était là dans le code de l’enfant et dans le code de la famille mais qu’on n’appliquait pas.

Merci à vous madame pour l’interview

Merci à vous également

Propos recueillis par Ghislain Dossa Kakpo

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