Affaire complot contre la sûreté de l’État et Blanchiment de capitaux : Voici le réquisitoire du ministère public qui justifie les 10 ans de prison ferme infligés aux prévenus
Le dossier complot contre le chef de l’État et Blanchiment de capitaux dans lequel le constitutionnaliste Joël Aïvo et trois autres personnes sont impliquées selon la justice a connu son verdict final tard dans la nuit du lundi 06 décembre 2021. Joël Aïvo et deux autres accusés à savoir Boni Sarè Issiakou et Ibrahim Bachabi sont tous condamnés à 10 ans de prison ferme. Le professeur du droit constitutionnel doit en plus verser 45 millions francs CFA d’amende tandis que les deux autres accusés verseront chacun 5,7 millions francs CFA.
Lire ci-dessous l’intégralité du réquisitoire du ministère public qui renseigne sur les faits et observations
REQUISITOIRE DU MINISTERE PUBLIC
(Représenté par Elon’m Mario METONOU)
Porto-Novo, le 06 décembre 2021
Madame la Présidente,
Madame et messieurs les assesseurs
Par arrêt en date du 26 novembre 2021, la Commission d’Instruction de la Cour
de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme a prononcé la mise
en accusation devant votre Cour statuant en matière criminelle des inculpés :
AÏVO Frédéric Joël Ayékobinou, BONI-SARE Issiakou, IBRAHIM BACHABI
Moudjaïdou et GNONLONFOUN Dotou.
Avant d’examiner la constitution de ces infractions, permettez-moi de vous
proposer un bref rappel des faits.
FAITS
Le samedi 10 avril 2021, le sieur BONI SARE Issiakou, ancien militaire de la garde
républicaine, a été interpellé à son domicile à FIDJROSSE où il a été retrouvé
en possession d’un pistolet automatique de marque RECK à l’état neuf ainsi
que de son chargeur, d’une tenue camouflée militaire de l’armée béninoise,
d’une paire de pataugas et d’une série de documents dont l’un des quatre
pages intitulé « Déclaration de la junte militaire ». Ce document expose les
raisons d’un coup d’État en République du Bénin et décrit le processus de
transition qui devra suivre.
Interrogé sur ces différents éléments, BONI SARE Issiakou affirme avoir été
contacté par le sieur ZINSOU Gilbert, un opérateur économique actif dans les
clubs de soutien au Professeur AÏVO Frédéric Joël Ayékobinou, candidat recalé
aux élections présidentielles. ZINSOU Gibert lui aurait confié la mission de
recruter des officiers capables d’exécuter un coup d’État. Dans cette
perspective, il aurait pris contact avec l’Adjudant IBRAHIM BACHABI
Moudjaïdou ayant servi comme lui à la garde républicaine. Avec ce dernier, il
a rencontré à plusieurs reprises ZINSOU Gilbert ainsi que le sieur HOUEDANOU
Arnaud pour échanger autour du projet et planifier son exécution.
HOUEDANOU Arnaud a remis à Gilbert ZINSOU pour le compte de BONI SARE
Issiakou et IBRAHIM BACHABI Moudjaïdou la somme totale de CFA un million
neuf cent mille (1 900 000) en trois tranches.
HOUEDANOU Arnaud, reconnu comme l’un des soutiens financiers du
professeur AÏVO Frédéric Joël Ayékobinou dont il a payé une partie de la
caution de cinquante millions (50.000.000) francs CFA exigée de tout candidat
à l’élection présidentielle, est un opérateur économique qui s’est rendu
coupable d’une énorme fraude fiscale évaluée à 1.444. 305. 086 FCFA.
Dès l’interpellation des sieurs BONI SARE Issiakou et IBRAHIM BACHABI
Moudjaïdou, Arnaud HOUEDANOU et Gilbert ZINSOU ont pris la fuite.
Interpellé en même temps que le nommé GNONLONFOUN Dotou Alain qui se
présente comme son « bras droit » dans son projet politique de conquête du
pouvoir, le Professeur AÏVO Frédéric Joël Ayékobinou nie les faits de complot
contre la sûreté de l’État et blanchiment des capitaux à toutes les étapes de
la procédure. GNONLONFOUN Dotou Alain nie également les faits.
Quant à BONI SARE Issiakou et IBRAHIM BACHABI Moudjaïdou, tout en niant les
faits, ils soutiennent n’avoir fait croire à leurs interlocuteurs qu’ils sont en mesure
d’exécuter le coup d’État que dans la perspective de leur soutirer de l’argent.
Tels sont les faits qui justifient le renvoi devant votre juridiction de ces quatre
inculpés pour répondre des infractions de complot contre la sûreté de l’État et
de blanchiment de capitaux.
Faits prévus et punis par les articles 194 du code pénal, 7 et 113 de la loi n°2018-
17 du 25 juillet 2018 portant lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme en République du Bénin.
Dans la suite de mon réquisitoire je vous propose un développement en deux
parties structurées autour de chaque infraction.
D’une part le complot contre la sureté de l’État, d’autre part le blanchiment
de capitaux.
Le complot contre la sûreté de l’État
Aux termes de l’article 194 alinéa 3 du code pénal, « Constitue un
complot, la résolution arrêtée entre plusieurs personnes de commettre un
attentat lorsque cette résolution est concrétisée par un ou plusieurs actes
matériels ».
L’article 193 du même code propose une définition de l’attentat par son but.
Ainsi aux termes de cet article pour être retenu, l’attentat doit avoir pour but
soit : « soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel, soit d’inciter les
citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’État ou à s’armer les uns
contre les autres, soit à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ».
De la lecture croisée de ces dispositions, il ressort que le complot contre la
sûreté de l’État est la résolution arrêtée entre plusieurs personnes soit de
détruire ou de changer le régime constitutionnel soit d’inciter les citoyens à
s’armer contre l’autorité de l’État soit encore de porter atteinte à l’intégrité
nationale ;
L’on ajoutera pour être complet sur la nature de l’infraction poursuivie et
prévenir tout amalgame que le code distingue l’attentat contre la sûreté de
l’État du complot contre la sûreté de l’État ;
Alors que pour être constituée l’infraction d’attentat à la sûreté de l’État doit
se concrétiser dans un acte matériel d’exécution ou de commencement
d’exécution, pour le complot contre la sûreté de l’État, la simple acceptation
morale et l’expression de la volonté à poser des actes ayant vocation à porter
atteinte à la sûreté de l’Etat suffit ;
En effet l’infraction de complot contre la sûreté de l’État est une infractionobstacle
qui est l’incrimination d’une attitude ou d’un comportement
dangereux sans conséquence dommageable immédiate et effective ;
Le législateur a entendu incriminer à titre principal un comportement
dangereux susceptible de produire un résultat dommageable et ce
indépendamment de la réalisation,
En d’autres termes, Il s’agit d’appréhender pénalement des actes
préparatoires de l’attentat contre la sûreté de l’État mais qu’il n’est pas
possible de réprimer au titre de la tentative punissable ;
Ces précisions apportées, et l’élément légal fixé, il faut ajouter qu’au regard
de sa nature, pour être constituée, l’infraction de complot contre la sûreté de
l’État doit s’apprécier :
- Dans son élément intentionnel : la résolution entre plusieurs personnes de
commettre un attentat ; - Dans son élément matériel : l’existence d’un ou plusieurs actes
caractérisant cette résolution sans même qu’il soit nécessaire de
démontrer que ces actes constituent une tentative punissable.
Mesdames et monsieur de la Cour,
Je vous propose à présent d’analyser la situation de chaque inculpé au regard
de ces critères :
• Cas de BONI SARE Issiakou
Inculpé de complot contre la sûreté de l’État, BONI SARE Issiakou nie les faits ;
Il soutient n’avoir jamais envisagé sérieusement de réaliser un coup d’État ;
Vous relèverez cependant que ses dénégations ne sauraient prospérer et que
tant l’élément matériel que l’élément intentionnel de l’infraction sont réunis en
ce qui le concerne ;
Commençons par l’élément intentionnel ;
S’agissant de l’élément intentionnel, BONI SARE Issiakou n’a jamais nié s’être
entendu avec IBRAHIM BACHABI Moudjaïdou, ZINSOU Gilbert et HOUEDANOU
Arnaud pour recruter des officiers en vue de réaliser un coup d’État ;
Cet aveu a été constant de l’enquête préliminaire à l’instruction préparatoire ;
D’abord, lors de son interrogatoire au cours de l’enquête préliminaire il a
déclaré le 10 avril 2021 : « c’est monsieur Gilbert ZINSOU (….) qui m’a appelé
pour me demander si je peux trouver des officiers pour faire un coup d’État. Je
lui ai répondu que cela est possible à condition que les moyens financiers
accompagnent » (PVN°019/2021 Feuillet n°3)
Ensuite lors de la confrontation avec IBRAHIMBACHABI Moudjaïdou le 15 avril
2021, il a maintenu ces aveux en ces termes : « effectivement j’ai été approché
par le sieur ZINSOU Gilbert pour recruter des officiers pour conduire un coup
d’Etat. J’ai alors approché l’adjudant IBRAHIM BACHABI Moudjaïdou à qui j’ai
expliqué la manoeuvre. Je l’ai assuré qu’iln’y a aucun risque dans ce dossier »
Enfin devant le magistrat instructeur le 25 octobre 2020 (Cf PV D9) il a affirmé
ce qui suit « début mars 2021, j’ai été appelé par Gilbert ZINSOU qui m’a sollicité
pour le compte de HOUEDANOU Arnaud aux fins de rassembler des militaires
pour organiser un coup d’état. »
Madame la présidente,
Cette entente avec d’autres personnes pour réunir la logistique et rassembler
les compétences nécessaires à la réalisation d’un coup d’état est clairement
caractérisée au dossier ;
Il s’agit d’une résolution claire et constante en dépit de ce que suite à son
interpellation l’inculpé a tenté de faire croire qu’il s’agit d’un projet factice
essentiellement destiné à soutirer des fonds aux commanditaires ;
Sur l’élément matériel,
L’on constate aisément que cette résolution arrêtée par les protagonistes a été
concrétisée par plusieurs actes matériels ;
Il y a d’abord les différentes rencontres entre les personnes impliquées ;
Sous ce registre, BONI SARE Issiakou déclare : « Gilbert ZINSOU et moi, nous nous
sommes vus plusieurs fois pour parler du coup d’état mais je puis dire que
Arnaud, Gilbert et moi sommes vus deux (02) fois à la plage pour en discuter »
(PV N°019/2021 Feuillet N°4) ;
Il y a ensuite les sommes réclamées par BONI SARE Issiakou et reçues aux fins
de mettre en place la logistique ;
A ce sujet, l’inculpé a également été constant pour affirmer que : « d’entrée
de jeu, j’ai demandé à Gilbert ZINSOU de dire à Arnaud HOUEDANOU qu’on
avait besoin de matériel roulant pour l’exécution du projet. Gilbert ZINSOU a
pu ainsi percevoir auprès d’Arnaud HOUEDANOU, une somme de 400 000
Francs CFA….. ;
Gilbert ZINSOU a exprimé à nouveau un besoin d’argent et je lui ai fait dire à
Arnaud HOUEDANOU qu’il nous fallait pour le projet de l’argent pour louer des
véhicules. A cet effet, Gilbert ZINSOU a soutiré auprès d’Arnaud HOUEDANOU
une somme de 700 000 Francs CFA….. ;
Les militaires qui devaient servir leur cause viendraient en partie de Ouidah et
du Nord du Bénin et il fallait leur donner de l’argent pour leurs familles
respectives et leur acheter à chacun un portable avec une carte sim
nigériane. Pour ce faire, Gilbert ZINSOU a perçu une somme d’Arnaud
HOUEDANOU une somme de 800 000 Francs CFA. »
Il y a enfin les éléments matériels retrouvés au domicile de BONI SARE Issiakou
lors de la perquisition le samedi 10 avril 2021 ;
Outre le matériel militaire composé d’une tenue complète d’un pistolet
automatique de marque RECK PTB 765, il y a été découvert quatre séries de
documents intitulés :
- Cercle des amis adhérents des idées du professeur Joël AÏVO
- FAN CLUB du professeur Joël AÏVO
- Liste des représentants de la coalition du Front pour la restauration de la
démocratie - Déclaration de la junte militaire
Sur de cette « Déclaration de la junte militaire » on peut lire en page 3, 5e
paragraphe « Nous, forces armées de la République venons mettre fin à ce
système clanique et despotique qui a pris en otage depuis cinq ans le peuple
béninois et sa démocratie » ;
Sur le même document page 4, 2e paragraphe il est écrit « c’est pourquoi, à,
partir de cet instant toutes les institutions de la République sont suspendues. »
Mesdames et Monsieur de la Cour,
Il apparait clairement que non seulement l’idée du complot était bien présente
dans la tête de l’inculpé BONI SARE Issiakou mais aussi que cette idée s’est
concrétisée par au moins trois séries d’actes matériels ;
Et si vous avez encore un doute sur le sérieux de ce projet, je vous invite à vous
référer aux déclarations de cet inculpé à la fin de son interrogatoire devant le
magistrat instructeur : « A mon avis et vu l’insistance Arnaud HOUEDANOU et
l’investissement financier de Arnaud HOUEDANOU par rapport au projet de
coup d’état, ce projet était sérieux pour lui et il y tenait. Il nous mettait la
pression pour que l’exécution soit effective. » ;
• Cas d’Ibrahim Bachabi Moudjaïdou
Inculpé de complot contre la sûreté de l’état, IBRAHIM BACHABI
Moudjaïdou nie également les faits ;
Ses dénégations ne sauraient non plus prospérer pour au moins deux
raisons :
La première tient à son profil et la seconde aux variations dans ses déclarations.
Sur le profil il faut noter que l’inculpé IBRAHIM BACHABI Moudjaïdou est
un sous-officier supérieur des Forces Armées Béninoises, parachutiste titulaires
des certificats d’aptitudes techniques n°1 et 2, du certificat de
perfectionnement inter-force, ancien membre de la garde républicaine et de
la compagnie d’intervention rapide.
Il a servi dans la garde républicaine puis à l’infirmerie du palais de la
république ;
C’est pendant qu’il était en poste à la garde républicaine qu’il a fait la
connaissance de BONI SARE Issiakou alors conducteur du président Mathieu
KEREKOU ;
Sur les variations dans les déclarations, vous noterez qu’après des
dénégations systématiques, IBRAHIM BACHABI Moudjaïdou a fini par confirmer
tous les aveux de BONI SARE Issiakou ;
A l’occasion de la confrontation organisée entre eux par l’officier de police
judicaire le 15 avril 2021 il a confirmé les rencontres, les remises de fond ainsi
que le fait que le matériel militaire découvert au domicile de BONI SARE était
sa propriété ;
Vous noterez également que les mêmes aveux ont été réitérés devant le
magistrat instructeur le 25 octobre 2021 (Cf PV D10) et qu’à cette occasion, il
a reconnu avoir gardé le silence sur le projet d’atteinte à la sûreté de l’état et
ne l’avoir jamais dénoncé aux autorités comme il en avait le devoir en tant
que militaire
Mesdames, Monsieur !
Il n’en faut pas davantage pour soutenir que l’inculpé IBRAHIM BACHABI
Moudjaïdou a adhéré au complot contre la sureté de l’état ;
• Cas de GNONLONFOUN Dotou Alain
Les dénégations de GNONLOFOUN Dotou Alain ne résistent pas non plus
à l’analyse et pour cause :
GNONLOFOUN Dotou Alain est membre fondateur et trésorier du
mouvement Joël Frédéric AIVO, ami et compagnon politique de longue date
de ce dernier, il a assuré la levée de fonds pour la caution de cinquante millions
(50.000.000) francs CFA et donc reçu de HOUEDANOU Arnaud sa participation
à ladite caution ;
Il a toujours participé de la philosophie et de la définition des stratégies
opérationnelles de leur mouvement politique ;
Sa proximité avec Joël AIVO et son degré d’engagement dans l’exécution de
son projet d’accession au pouvoir achèvent d’éroder sa ligne de défense ;
Vous n’aurez aucun mal à le retenir dans les liens de l’infraction de
complot contre la sûreté de l’État ;
• Cas de AÏVO Frédéric Joël Ayékobinou
AÏVO Frédéric Joël Ayékobinoua comme les autres a nié les faits à toutes les
étapes de la procédure ;
Cependant, plusieurs éléments de la procédure permettent d’établir son
implication dans ce complot ;
Au nombre de ces éléments je voudrais vous rendre attentifs aux relations entre
Joël AÏVO et le sieur Arnaud HOUEDANOU d’une part puis aux éléments du
dossier plus spécifiquement des perquisitions qui désignent au-delà de tout
doute raisonnable, Joël AIVO comme le bénéficiaire de ce complot contre la
sûreté de l’État ;
Examinons en premier lieu les relations entre les acteurs ;
Il n’est pas contesté que le complot a été financé par le nommé HOUEDANOU
Arnaud ;
De façon constante les inculpés BONI SARE Issiakou et IMBRAHIM BACHABI
Moudjaidou ont affirmé avoir reçu d’Arnaud HOUEDANOU et en trois tranches
la somme totale de FCFA un million neuf cent mille (1 900 000) avant leur
interpellation ;
La première et la deuxième tranche de cette somme devaient servir à la
location de matériels roulants pendant que la dernière tranche devait
permettre aux militaires impliqués dans le projet d’acquérir des téléphones
portables ainsi que des cartes sim du Nigéria ;
D’Arnaud HOUEDANOU, BONI-SARE Issiakou a révélé : « Arnaud HOUEDANOU
et moi parlons ces derniers temps du coup d’état au téléphone. Gilbert ZINSOU
et moi, nous nous sommes vus plusieurs fois pour parler du coup d’état mais je
puis dire qu’Arnaud, Gilbert et moi sommes vus deux (02) fois à la plage pour
en discuter » ;
BONI- SARE devant la commission d’instruction, s’est fait plus précis en
déclarant : « Arnaud HOUEDANOU m’a invité par téléphone pour le rencontrer
à la plage de Fidjrossè. Arrivé à la plage comme convenu, j’ai vu Arnaud
HOUEDANOU dans son véhicule accompagné de son ami Gilbert ZINSOU et
Arnaud m’a interpellé sur notre apparente inactivité relativement à l’exécution
du projet de coup d’Etat qu’il avait émis. Je l’ai exhorté à la patience en lui
faisant comprendre que c’était une question de temps » ;
Or, il est précisément établi que le sieur HOUEDANOU Arnaud aujourd’hui en
cavale est un opérateur économique qui finance les activités politiques du
professeur AÏVO ;
Cette proximité de HOUEDANOU Arnaud avec Joël AÏVO a été confirmée par
ce dernier lors de l’enquête préliminaire ;
A ce sujet Joël AIVO a en effet affirmé ; « dans le cadre du dialogue itinérant,
beaucoup de personnes m’ont aidé y compris monsieur Arnaud HOUEDANOU.
Pour la caution, il a aussi contribué. »
On ne connait à HOUEDANOU Arnaud aucune ambition politique
personnelle ni d’engagement aux côtés d’une autre formation politique ;
Le seul leader politique aux côtés duquel il s’est engagé est Joël AÏVO ;
Si Arnaud HOUEDANOU finance un complot contre la sûreté de l’État c’est
forcément au profit de Joël AIVO ;
Madame la présidente !
Examinons à présent les éléments collectés à l’occasion des différentes
perquisitions dans la procédure.
A l’interpellation des militaires BONI SARE Issiakou et IBRAHIM BACHABI
Moudjaidou, il a été retrouvé notamment chez le premier plusieurs documents
établissant son adhésion aux idéaux du professeur AÏVO Frédéric Joël ;
Il avait à son domicile non seulement des documents intitulés « Cercle des amis
adhérents des idées du professeur Joël AÏVO » et « FAN CLUB du professeur Joël
AÏVO » mais aussi un autre document intitulé « Déclaration de la junte
militaire » ;
S’agissant particulièrement de ce document intitulé « Déclaration de la junte
militaire », il dresse le profil type de celui qui devra prendre le pouvoir à l’issue
du coup d’État en ces termes : «Dans les prochaines heures, l’armée
entreprend une large consultation dans toutes les couches sociales
notamment le corps diplomatique, la société civile, les confessions religieuses,
l’élite nationale aux fins de remettre à un civil patriote, probe, intellectuel de
grande renommée internationale et capable de conduire la République du
Bénin au rétablissement de l’ordre démocratique et constitutionnel (…) la loi
n°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin
est rétablie dans son entièreté et demeure l’unique référence en matière
constitutionnelle en République du Bénin. » ;
Vous aurez noté que l’homme décrit dans ce document correspond à l’image
que les partisans de Joël AÏVO projettent de ce dernier ;
Et s’il subsiste encore une part de doute en vous, Madame la présidente,
Mesdames et Monsieur de la Cour ;
Revisitez les prises de position publiques de Joël AIVO pendant cette période ;
Il a publiquement soutenu lors de ses différents meetings que le 06 avril 2021 un
autre président viendrait prêter serment à Porto-Novo ;
Il a soutenu avec force conviction, y compris après le rejet de sa candidature
à l’élection présidentielle et le maintien de l’élection au 11 avril 2021 que
l’alternance se réaliserait le 6 avril 2021 ;
Ces prises de positions qui auraient pu s’analyser en un affrontement d’idées
pacifique sur le terrain politique et dans le respect des règles constitutionnelles
s’éclairent d’une lueur nouvelle avec les découvertes effectuées aux domiciles
de ses co-inculpés et face à leurs aveux ;
Ces propos sont au-delà de la simple rhétorique politique. Ils trahissent une
adhésion au projet de changement de régime y compris par des voies non
constitutionnelles,
La constitution de l’infraction de complot contre la sûreté de l’État étant
démontrée à l’égard des accusés, analysons à présent l’infraction de
blanchiment de capitaux qui leur est reprochée. - L’infraction de blanchiment de capitaux
Au sens de l’article 7 de la loi n°2018-17 du 25 juillet 2018 portant lutte contre
le blanchiment de capitaux, cette infraction est constituée à l’égard de toute
personne qui intentionnellement convertit ou transfère des biens qu’il sait ou
dont il aurait dû savoir qu’ils proviennent d’un crime ou délit dans le but de
dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute
personnes impliquées dans cette activité à échapper aux conséquences
juridiques de ses actes ;
Le dernier alinéa de cet article précise que la connaissance ou l’intention, en
tant qu’éléments des activités susmentionnées, peuvent être déduites de
circonstances factuelles objectives ;
En d’autres termes, le blanchiment de capitaux consiste à retraiter le revenu
provenant d’activités illicites pour en masquer l’origine ou d’activités licites
mais dont le revenu n’a pas été déclaré.
Plus précisément l’infraction de blanchiment suppose simplement que soient
établis les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les
sommes litigieuses.
Dans l’espèce qui nous rassemble ce matin, les nommés BONI SARE Issiakou,
Ibrahim Bachabi Moudjaïdou, GNONLONFOUN Dotou Alain et Joël AÏVO sont
inculpés pour blanchiment de capitaux ;
Ils ne reconnaissent pas ces faits mais vous verrez bien que leurs dénégations
ne sauraient prospérer ;
En effet, les sommes remises aussi bien pour la concrétisation du complot que
pour les financements partiels du dialogue itinérant et de la caution du
candidat Joël AÏVO proviennent d’Arnaud HOUEDANOU ;
Les accusés n’ont jamais contesté avoir reçu le concours financier de ce
dernier ;
Or, selon le rapport de l’administration fiscale en date du 22 novembre 2021,
que vous avez au dossier, le sieur Arnaud HOUEDANOU a commis d’énormes
fraudes fiscales ;
Cette fraude fiscale est évaluée à la somme de FCFA un milliard quatre cent
quarante-quatre millions trois cent mille quatre-vingt-six (1.444. 305. 086 FCFA)
L’on est en droit de soutenir que les sommes investies dans le projet politique
du professeur Joël AÏVO proviennent de cette infraction ;
La fraude fiscale opère ici comme une infraction sous-jacente du blanchiment
de capitaux ;
Et, selon les termes même de la loi, les inculpés auraient dû savoir que les
sommes ainsi reçues du sieur Arnaud HOUEDANOU Provenaient d’une
infraction ;
Bien plus que les autres, Joël AÏVO qui connait les règles de droit et les enseigne
aurait dû savoir qu’il ne devait pas être le bénéficiaire de fonds issus d’un délit ;
Mesdames et Monsieur de la Cour,
Il ne vous en faut pas davantage pour déclarer les accusés coupables de
blanchiment de capitaux.
Madame la présidente ;
L’article 194 du code pénal dispose : « Le complot ayant pour but les crimes
mentionnés à l’article 193, s’il a été suivi d’un acte commis ou commencé pour en
préparer l’exécution, est puni de la détention criminelle à temps de dix (10) ans à vingt
(20) ans.
Si le complot n’a pas été suivi d’un acte commis ou commencé pour en
préparer l’exécution, la peine est celle de la détention criminelle à temps de cinq (05)
ans à dix (10) ans. »
Quant au blanchiment de capitaux, il est puni d’une peine d’emprisonnement
de Trois (03) ans à sept (07) ans
Madame la présidente, Mesdames et Monsieur de la Cour,
L’enquête de moralité des accusés ainsi que les bulletins n°1 de leurs casiers
judiciaires figurent au dossier et sont sans particularité.
De même l’examen médico-psychologique et psychiatrique montre que tous
les accusés disposent de leurs facultés mentales et sont par voie de
conséquence accessibles à la sanction pénale ;
C’est au bénéfice de toutes ses observations que je requiers qu’il plaise à la
cour : - Déclarer les accusés AÏVO Frédéric Joël Ayékobinou, BONI-SARE Issiakou,
IBRAHIM BACHABI Moudjaïdou et GNONLONFOUN Dotou coupables de
complot contre la sûreté de l’État et de blanchiment de capitaux ; - Les condamner à dix ans de réclusion criminelle et à cinquante millions
d’amende ferme chacun